Quelle est la part du transport dans les impacts de notre alimentation ? Réponse avec Sarah Martin, Cheffe du service Alimentation de l’ADEME
D’un point de vue global, le transport est la première cause d’émissions de gaz à effet de serre (GES) puisqu’il représente près de 28 % des émissions mondiales dues aux activités humaines. En ce qui concerne l'alimentation, le transport a en revanche un impact plutôt limité : il ne représente que 19 % des émissions de GES liées à l’alimentation quand le mode de production pèse pour près de 70 % de ces émissions. Ces chiffres sont bien souvent en décalage avec l’imaginaire de beaucoup de personnes qui affirment que manger local serait plus important que manger bio. Alors qu’en est-il ? Rencontre avec Sarah Martin, Cheffe du service Agriculture, Forêts et Alimentation de l’ADEME, pour comprendre la part du transport dans les impacts de notre alimentation.
Pouvez-vous vous présenter ?
Oui, je suis Sarah Martin, je travaille à l’ADEME depuis une vingtaine d’années, et depuis près de 15 ans, je suis spécialisée sur les thématiques en lien avec l’agriculture et l’alimentation. Je suis aujourd’hui Cheffe du service Agriculture, Forêts et Alimentation à l’ADEME.
Qu’est-ce qui a amené l’ADEME à s’intéresser au sujet de l’alimentation ?
L’alimentation est un sujet qu’on traitait déjà à l’ADEME depuis un certain temps sous l’angle des déchets, des transports ou de l’emballage, par exemple, et en fait on est arrivé sur le sujet de l’alimentation durable de façon plus globale par le biais de l’agriculture, puisqu’on travaillait sur la manière dont l’agriculture contribuait à nos impacts environnementaux et notamment à notre impact sur le changement climatique. À un moment donné, on s’est rendu compte que pour faire évoluer l’ensemble des pratiques agricoles, il fallait remonter toute la filière jusqu’au consommateur, en passant par l’industrie de transformation, le transport et la distribution.
Aujourd’hui, quelle est la part du transport dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues à l’alimentation ?
Si on s’intéresse à l’empreinte de notre alimentation, c’est-à-dire à l’ensemble des impacts de ce qu’il y a dans notre assiette, de la production à la consommation, le transport représente 19 % des émissions de GES dues à l’alimentation. Le transport est donc un poste majeur, sur lequel on a un certain nombre de leviers d’action, mais le gros des impacts de notre alimentation - près des deux tiers en termes d’empreinte carbone - se situe à l’étape de la production agricole.
→ Pour en apprendre plus sur les enjeux globaux liés aux transports, écoutez l’épisode « #85 - [1ère partie] - Avion, train, voiture : quel est le véritable impact des transports ? » de Sur le grill d'Écotable avec Alexis Chailloux, Responsable du voyage bas-carbone chez Greenpeace France !
Le bio est souvent décrié, car une partie des produits provient d’Espagne ou d’Italie. Est-ce une critique recevable dans le cas où ce sont des pays frontaliers ?
Alors, d’une part, on a souvent une fausse vision sur la provenance des produits, parce que la majorité des produits bio consommés en France sont des produits français - c’est de l’ordre de plus de 70 %, donc c’est quand même très élevé. Ensuite, on peut peut-être distinguer ce qui provient du périmètre géographique proche de la France de ce qui vient d’encore plus loin, puisque globalement quand vous êtes situé à Lyon ou dans le Sud de la France, l’Espagne est plus proche que les Pays-Bas. Il faut donc relativiser cette question-là. L’attention au mode de production est évidemment prioritaire. Il y a toujours un compromis, l’idéal étant de consommer du bio local.
Quels sont les principaux modes de transport utilisés aujourd’hui pour transporter nos aliments ?
Si l’on parle du transport national, il s’agit essentiellement de transport par camion. On a un tout petit peu de transport ferroviaire et de transport fluvial, mais ce n’est pas la majorité. Après, si on parle des transports à l’international, qui représente aussi une partie des impacts des transports, les aliments vont être principalement transportés par bateau pour les très longues distances, par camion pour tout ce qui vient d’Europe - et c’est quand même de là que vient une bonne partie de nos importations - et puis par avion, ce qui représente peu de volume, mais beaucoup d’impact.
« À l’ADEME, nous avons réalisé différents scénarios à l’horizon 2050 comprenant différentes combinaisons possibles, notamment le développement de biocarburants et de l’électrique. C’est une combinaison de différentes modalités techniques qui permettra de répondre aux besoins. Et j’ai envie de dire aussi : moins il y aura de transport à faire, plus ce sera facile d’avoir des carburants vertueux. »
Sarah Martin, Cheffe du service Agriculture, Forêts et Alimentation au micro de Sur le grill d'Écotable
Comment réduire l’impact des transports, et notamment notre dépendance au transport routier ?
Les actions vont se situer à plusieurs niveaux. Tout d’abord, on peut mener une réflexion sur le contenu de son assiette en privilégiant les produits d’origine végétale, les produits de saison qui viendront de moins loin, en limitant les produits exotiques, mais aussi les produits transformés. En effet, plus un produit est transformé, plus il fait d’étapes et de trajets en France, voire en Europe, avant d’arriver dans notre assiette.
Après, les leviers d’action varient selon l’endroit où l’on habite. Il y a des zones où il y a des marchés et où l’on peut s’approvisionner directement chez les producteurs ou dans des points de distribution - y compris dans la grande distribution - qui s'approvisionnent localement. C’est vrai que c’est plus facile dans des zones riches en produits de maraîchage, où il y a de la transformation locale de céréales, par exemple, que dans d’autres régions plus urbaines ou plus spécialisées en termes de production dans lesquelles on ne va pas pouvoir trouver l’ensemble de ce qu’on met dans son assiette.
Ce sont-là des solutions qui relèvent de la sobriété, c’est-à-dire toute action qu’on peut avoir en tant que consommateur pour être plus sobre en termes de volume de transport consommé. Il faut allier ces actions avec un second niveau de solutions : les leviers d'efficacité, comme faire évoluer les modes de transports vers des carburants qui ont moins d’impact sur le changement climatique. À l’ADEME, nous avons réalisé différents scénarios à l’horizon 2050 comprenant différentes combinaisons possibles, notamment le développement de biocarburants et de l’électrique. C’est une combinaison de différentes modalités techniques qui permettra de répondre aux besoins. Et j’ai envie de dire aussi : moins il y aura de transport à faire, plus ce sera facile d’avoir des carburants vertueux.
→ Pour en savoir plus sur les enjeux qui lient transport et alimentation, écoutez l’épisode « #85 - [2ème partie] - Avion, train, voiture : quel est le véritable impact des transports ? » de Sur le grill d'Écotable avec Sarah Martin, Cheffe du service Agriculture, Forêts et Alimentation de l’ADEME !
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