Santé : comment bien choisir son pain ?
Dans les années 1950, la fabrication du pain prenait au moins 8 heures. Aujourd'hui, une boulangerie artisanale peut en produire en moins de 2 heures, et une boulangerie industrielle en seulement 20 minutes. Un progrès technologique certes, mais qui rime avec chimique ! À l’heure où un Français consomme en moyenne 120 g par jour (soit 44 kgs par an), et où des études affirment que le pain conventionnel affiche un indice glycémique (I.G.) supérieur au Coca-Cola, il est temps de lever le voile sur un produit dont les apparences sont parfois trompeuses. Décryptage de l'impact du pain sur notre santé et guide pratique pour vous aider à choisir le pain qui vous convient.
Comprendre le problème du pain
La recette du pain est simple. À la base, seulement trois ingrédients : de la farine, de l'eau et du sel, auxquels on ajoute souvent un agent de fermentation tel que de la levure ou du levain. Le tout accompagné d’une bonne dose de patience, et c'est précisément ce dernier point qui est problématique aujourd’hui. En effet, si la recette est pour le moins basique, la fabrication du pain demande un réel savoir-faire et du temps à chaque étape de fabrication. Vous allez vite le comprendre : ce n’est pas le pain qui est mauvais, mais la manière dont on le produit !
1- La culture du blé
Ces dernières années, la priorité donnée au rendement agricole a entraîné des changements dans la culture du blé. Pour répondre aux exigences de l’industrie boulangère, les agriculteurs ne plantent plus que des blés dits "panifiables". Sur 300 variétés existantes de blé, seules une trentaine sont désormais cultivées à grande échelle, ce qui impacte la biodiversité. Ces variétés sont généralement riches en amidon et en gluten et appauvries en vitamines et en minéraux essentiels. Pour protéger leurs récoltes, les agriculteurs français ont le droit d’utiliser jusqu’à 58 produits chimiques – seulement 2% d’entre-eux optant pour une culture sans pesticides. Cette approche a conduit à une diminution de la densité nutritionnelle du blé et à la formation d'un produit à base de gluten solide dont la digestibilité est compromise.
2- La mouture automatisée
Dans cette quête effrénée d'efficacité, les meules de pierre traditionnelles ont cédé leur place à des meules d'acier automatisées. Cette méthode de mouture accélérée broie les épis de blé de manière plus agressive et rapide. Cette rapidité a un coût : la farine produite chauffe et perd ainsi une partie de ses éléments nutritifs. Elle est ensuite stockée pendant plusieurs mois, ce qui contribue à l'appauvrissement de ses bienfaits nutritionnels.
3 - Le pétrissage mécanique
De nos jours, la farine est souvent pétrie mécaniquement, c'est-à-dire longtemps et à grande vitesse. Ce pétrissage intensif permet d'introduire beaucoup d'air dans la pâte, ce qui présente des avantages selon l'industrie boulangère : la pâte s'oxygène, blanchit et prend du volume. Cependant, les farines anciennes ne supportent pas une telle intensité qui endommage le réseau de gluten et rend la pâte difficile à travailler. Le pétrissage intensif est donc souvent utilisé avec des farines de blé enrichies en gluten, ce qui rend le pain moins digeste.
4 - Levée grâce à la levure (chimique)
Ingrédient miracle qui permet d’obtenir des pains bien gonflés en 2-3 heures à peine… mais pas si miracle que ça. Bien qu'elle assure efficacement le levage de la pâte, elle ne permet pas de bénéficier de tous les avantages d'une fermentation traditionnelle : favoriser le développement d'une vie biologique active qui apporte des nutriments et permet une pré-digestion partielle du gluten et de bactéries qui consomment une partie des sucres de la farine, ce qui réduit le taux de glycémie dans le pain. Les pains à la levure contiennent donc un indice glycémique plus élevé, pouvant provoquer des pics glycémiques et contribuer aux problèmes liés au diabète.
5 - L’ajout d'additifs
Dans cette course contre le temps, les meuneries, ces complexes industriels dédiés à la transformation du blé en farine, semblent désormais tenir fermement les rênes de la fabrication boulangère. Elles fournissent les "chaînes" de boulangeries et bon nombre d’indépendants en farines et mélanges prêts à l'emploi. Ces mélanges renferment les véritables secrets de l'industrie boulangère : additifs, auxiliaires technologiques, vitamines et autres agents tels que les mono et di-glycérides d'acides gras (E471). Un gain de temps et une qualité constante en apparence indéniables ! Mais voilà, pour une baguette blanche, pas moins de quatorze additifs sont autorisés, et le pain étant vendu en vrac, il échappe à toute obligation d'étiquetage. Impossible donc de savoir à première vue ce qu'il contient vraiment.
→ Pour en savoir plus sur l'histoire du pain, écoutez notre podcast avec Adriano Farano (auteur du livre Je ne mangerai pas de ce pain-là), qui a mené une longue enquête au cours de laquelle il a pris conscience de l’impact du pain moderne sur notre santé et sur l’environnement !
Vous l’aurez compris, ce n’est pas le pain en soi qui est mauvais, pas plus que le gluten qu’il contient, mais notre façon de le produire. Chaque étape a son importance dans la production du pain et impacte sa digestibilité et ses capacités nutritionnelles. Maintenant que nous avons abordé ce point, comment faire le bon choix en matière de pain ? Voici les points à prendre en considération :
Guide pratique pour vous aider à choisir votre pain
1) Pain blanc, pain complet ou pain intégral ?
Le pain blanc :
Autant apprécié que critiqué, le pain blanc est réalisé à partir de farine blanche raffinée. Éliminer le son et le germe du blé entraîne une réduction significative des nutriments essentiels tels que les fibres, les vitamines et les minéraux, sa valeur nutritive est considérablement réduite.
Il se retrouve ainsi principalement composé d'amidon, avec un indice glycémique élevé, comparable à celui du sucre blanc, provoquant des pics de glycémie, mettant ainsi une pression sur le pancréas et augmentant le risque de diabète et d'obésité à long terme.
La teneur élevée en sel du pain blanc est également pointée du doigt. Une simple baguette peut contenir presque l'équivalent de la quantité maximale recommandée par l'OMS en sel. Ce qui en fait l'un des produits alimentaires quotidiens les plus riches en sel selon l'ANSES.
De plus, le pain blanc, notamment la baguette, est souvent enrichi en additifs pour faciliter la production et prolonger la conservation.
Pour éviter ces additifs, optez plutôt pour la baguette traditionnelle, qui est élaborée sans aucun ajout artificiel.
Pain complet :
À la différence du pain blanc, le pain complet est élaboré avec une farine partiellement débarrassée des sons de blé, légèrement raffinée. Elle présente ainsi une teneur en fibres deux fois supérieure à celle du pain blanc.
Les fibres jouent un rôle crucial dans divers aspects tels que la régulation de la glycémie, l'élimination de substances toxiques comme les pesticides, et le renforcement du système immunitaire. Malheureusement, elles sont souvent consommées en quantité insuffisante dans notre alimentation. En outre, le pain complet est plus riche en vitamine B et en minéraux tels que le fer, le manganèse, le magnésium, le zinc et le sélénium, qui se trouvent dans l'enveloppe du grain et le germe.
Cependant, il convient de noter que le choix d'un pain complet biologique est important, car c'est dans l'enveloppe du grain que se trouve la plus grande concentration de pesticides.
Un inconvénient du pain complet réside dans sa teneur en composés tels que les phytates, qui peuvent limiter l'absorption du calcium et du zinc.
Pain intégral :
On entend de plus en plus parler du pain intégral. Ce pain est fabriqué avec la totalité de la céréale, sans rien tamiser. Il contient donc la totalité du son et du germe de blé, qui est la partie du blé la plus riche en vitamines et antioxydants. Dépourvu de gluten, d’amidon et de levure, ce pain est réputé pour ses qualités nutritives : index glycémique très bas, réduction des risques cardiovasculaires et du cholestérol.
2) Quelle farine privilégier ?
Pour choisir sa farine, un élément à prendre en compte, c'est le taux de gluten.
Le gluten, c’est ce qui donne son élasticité, sa structure à la pâte et facilite la cuisson du pain. Pour obtenir de meilleurs rendements et des propriétés de panification améliorées, les variétés modernes de blé ont été génétiquement modifiées pour augmenter leur concentration en gluten. Nous consommons donc davantage de gluten, ce qui peut entraîner une augmentation de la perméabilité intestinale, provoquant des réactions immunitaires et inflammatoires, et augmentant le risque de problèmes digestifs, d'inflammations intestinales, de migraines, d'hypersensibilités alimentaires, d'infections fréquentes et de maladies inflammatoires ou auto-immunes chez les personnes génétiquement prédisposées.
La farine de blé est très riche en gluten, il est donc intéressant de varier les types de farine pour des variétés moins riches en gluten, zoom sur les différents types.
- Farine de petit épeautre : faible teneur en gluten, elle est riche en nutriments essentiels tels que les acides gras mono et polyinsaturés, les minéraux, les vitamines et les protéines qui contiennent les huit acides aminés essentiels nécessaires au corps.
- Farine de sarrasin : riche en fibres, en protéines et en antioxydants, elle possède également un effet probiotique. Cependant, son indice glycémique est plus élevé.
- Farine de seigle : pauvre en gluten, elle offre des avantages en termes de fibres et d'antioxydants.
- Farines de quinoa, riz, maïs et châtaigne : ces alternatives contiennent peu ou pas de gluten, mais leur intérêt nutritionnel est limité par rapport aux autres options. Les farines de châtaigne et de riz ont un indice glycémique élevé.
La finesse de raffinage (alias le fameux Tquelque chose)
Ce qui différencie les farines réside dans ce que l'on conserve ou non du grain de blé. Une farine plus tamisée, souvent appelée "raffinée" même si elle n'est pas chimiquement transformée, entraîne une importante variation de la qualité nutritionnelle entre les pains en fonction de la farine utilisée.
Ce qui rentre en jeu c’est la finesse de raffinage, notamment si vous faites votre pain maison. Elle est indiquée avec la lettre T suivie d’un chiffre. Plus le chiffre est élevé, moins la farine est raffinée.
Source : Yuka "Quel est le meilleur pain pour la santé"
Les farines sont classées en 6 types différents en fonction de leur degré de tamisage :
- Les farines blanches : T45 (surtout utilisées en pâtisserie), T55 et T65 ;
- Les farines bises ou semi-complètes : T80 ;
- Les farines complètes : T110 ;
- Les farines intégrales : T150, ces farines contiennent tous les éléments du grain de blé, sans aucun tamisage.
Levure ou levain ?
Une composition différente
La levure de boulanger et le levain diffèrent par les ferments qu'ils utilisent. La levure boulangère, un champignon microscopique, permet une fermentation alcoolique rapide, réduisant le temps de fermentation pour faire lever la pâte à pain. Le levain, quant à lui, est obtenu à partir des substances naturelles présentes dans la composition du pain et provoque une fermentation lactique plus lente.
Des propriétés différentes
Aujourd'hui dans l’industrie, on utilise principalement la levure pour son efficacité et sa prédictibilité.
Le pain au levain présente plusieurs avantages. Tout d'abord, il est plus digeste grâce aux bactéries lactiques formées lors de la fermentation, ce qui facilite l'acidification et contribue à dégrader partiellement le gluten, améliorant ainsi la digestion. De plus, son indice glycémique est plus faible par rapport au pain à la levure, ce qui permet une diffusion plus lente des glucides. Enfin, il offre un apport plus élevé en vitamines et minéraux, car les bactéries lactiques produites au cours de la fermentation neutralisent l'acide phytique (empêche l'assimilation des minéraux dans notre organisme), permettant ainsi aux vitamines et minéraux d'être mieux assimilés par l'organisme.
« Boulangerie » : une appellation protégée
Le Code de la consommation protège la profession des boulangers en réglementant l'utilisation du terme "boulangerie". Pour bénéficier de cette appellation, les professionnels doivent :
- Assurer l'ensemble du processus de fabrication du pain (pétrissage, fermentation, mise en forme et cuisson) ;
- Assurer la vente sur place.
Un boulanger ne peut donc à aucun moment vendre un produit surgelé ou congelé. Ceux qui proposent ce type de produit peuvent utiliser d'autres termes comme "point chaud", "dépôt de pain", ou tout simplement utiliser le nom de la franchise.
« Pâtisserie » : une appellation non réglementée
Contrairement à l'appellation "boulangerie", l'appellation "pâtisserie artisanale" n'est pas réglementée.
Un artisan pâtissier n'est pas obligé de fabriquer lui-même les pâtisseries qu'il vend et peut utiliser des produits congelés ou surgelés. D’après une estimation de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, au moins 25 % des viennoiseries vendues dans les boulangeries artisanales seraient d’origine industrielle.
Toutefois, il est normalement tenu d'indiquer l'utilisation de produits surgelés en affichant un logo sur le produit ou en vitrine, représentant un pingouin (pour les pâtissiers) ou un igloo (pour les boulanger-pâtissiers). Malheureusement, cette transparence n'est pas toujours respectée.
En résumé
Conclusion
La quête d’un rendement toujours plus élevé et la course au temps ont donc bien mis notre pain dans le pétrin ! Mais pas besoin de rompre avec le pain pour autant, pour consommer des produits aussi bon pour votre corps que vos papilles, il vous suffit donc de vous référer au tableau ci-dessus. De plus, dans ce pays où la baguette est une institution, de nombreux passionnés défendent l'authenticité et le savoir-faire artisanal. Parmi les incontournables, le fameux sandwich jambon-beurre mérite une attention particulière. Plongez dans l'univers du jambon, victime lui aussi de l'industrialisation dans notre article jambon et nitrites : les dessous de la charcuterie !
- Pour aller encore plus loin :
→ Abonnez-vous à "Impact par Écotable" pour bénéficier d'un accompagnement vers des pratiques écoresponsables.
→ Écoutez l'épisode #15 de notre podcast Sur le Grill d’Écotable - Le pain, ami de notre quotidien ? Avec Valentin Orgeas
→ Écoutez l'épisode #23 de notre podcast Sur le Grill d’Écotable - Adriano Farano (Pane Vivo) informe sur le pain !