Fin de la vaisselle jetable : comment font les restaurateurs ?
Depuis le 1er janvier 2023, la France est le premier pays à interdire l’utilisation de contenants jetables pour la restauration sur place. Promulguée début 2020, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, aussi dit Loi Agec, impose aux établissements de restauration de recourir à de la vaisselle réutilisable pour les repas et boissons servis à table. Cette mesure concerne les établissements servant 20 couverts ou plus et constitue une avancée majeure pour la réduction des déchets en restauration. En effet, selon l’ADEME, la mesure devrait permettre d’éviter la production de près de 130 000 tonnes de déchets, ce chiffre n’incluant pas les couverts jetables.
La fin du « tout jetable » pour la restauration rapide : l’exemple de McDonald’s France
En 2017, la chaîne de fast-food McDonald’s représentait, à elle seule, 115 tonnes de déchets par jour, soit 42 000 tonnes de déchets produits sur une année en France (Source : Zero Waste France). Accompagné depuis 2020 par Pyxo, une solution clé en main de gestion de contenants réutilisables, la chaîne a entamé sa transition vers le réemploi pour les contenants utilisés sur place.
« Des mots de certains dirigeants de fast-food, c’est la plus grande transformation qu’ils ont eu à connaître depuis la naissance du secteur, dans les années 1940 », explique Benjamin Peri, cofondateur et directeur général de Pyxo. En effet, les chaînes de restauration rapide ont été amenées à repenser l’ensemble de leur processus opérationnel, et ont été confrontées à deux défis majeurs : la sélection des contenants et le choix d’un système de lavage adapté.
Dans la sélection de leur vaisselle réemployable, ils ont eu à choisir entre différents matériaux pour la composition de leurs contenants. Si le verre a directement été mis de côté par McDonald’s pour des raisons opérationnelles, selon Benjamin Peri, le groupe a porté son choix sur le Tritan, un plastique naturellement transparent (n’impliquant pas l’ajout d’additifs) et plus résistant aux chocs et aux rayures que son concurrent, le polypropylène. Comme l’explique le cofondateur de Pyxo, un second enjeu pour les chaînes de restauration rapide a été d’imaginer de nouvelles assiettes, gobelets ou couverts réemployables en accord avec le design de la vaisselle jetable utilisée jusqu’alors. Victimes de leurs succès, certains de ces contenants ont été volés, notamment après la médiatisation du phénomène.
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L’installation de stations de lavage dans les restaurants de restauration rapide, qui n'avait pas de système de plonge jusqu’alors, a été un second enjeu crucial dans la mise en place de la mesure. Si des équipements de nettoyage ont pu être installés, après travaux, dans de nombreuses franchises, Benjamin Peri explique que, faute de place mais aussi en raison des volumes de contenants à nettoyer, les enseignes situées dans les centres des grandes villes françaises font aujourd’hui appel à des centrales de lavage en périphérie. La vaisselle sale est récupérée par des camions en « reverse logistique », qui livrent des produits au restaurant et repartent chargés de contenants. Selon les données de Pyxo, le transport vers les stations de lavage n'impacterait pas la durabilité du système de réemploi de manière significative, du fait de la quantité de contenants impliqués. Pour Benjamin Peri, « le principal sujet est aujourd’hui de garantir le retour des contenants, lors de la vente sur place ou à emporter, pour assurer la durabilité du système de réemploi ».
Après plusieurs mois de collaboration avec les enseignes de restauration rapide, Benjamin Peri affirme : « La rapidité de production qui fait l’essence du fast-food vient en partie du fait que tout est jetable, quel que soit le canal de distribution. Il faut bien comprendre qu’on a été obligé de remettre en question l’un des piliers fondateurs du fast-food, pour le remplacer par du réemploi. »
Depuis le 1er janvier 2021, chaque consommateur peut apporter un contenant réutilisable dans les commerces de vente au détail. L’établissement est obligé d’accepter le contenant, si celui-ci est propre et adapté au produit acheté.
De plus, les vendeurs de boissons à emporter doivent proposer une tarification plus basse, lorsque la boisson est vendue dans un récipient réemployable apporté par le consommateur.
Une mesure qui tarde à être mise en place
Malgré l’interdiction, depuis le début de l’année 2023, des contenants jetables pour la restauration sur place, à la mi-janvier plus de 50 % des fast-foods ne proposaient pas encore de vaisselle réutilisable pour la consommation sur place, selon une enquête de l’ONG Zero Waste France. Sur 286 enseignes de restauration rapide, 163 servaient toujours les repas pris sur place dans du jetable. Parmi les quatre chaînes visitées par l’ONG Zero Waste France, les franchises des groupes KFC et Quick étaient toutes dans l’illégalité à la mi-janvier. De leur côté, 76 % des enseignes McDonald’s et 41 % de celles de Burger King étaient passés, au moins partiellement, à de la vaisselle réemployable.
Si les chaînes de restauration rapide sont tentées d’avancer la nouveauté de la mesure pour justifier leur retard dans l’application de la mesure, Alice Elfassi, Responsable juridique de Zero Waste France, rappelle au micro de Sur le Grill d'Écotable que les enseignes avaient trois ans pour mettre en place la mesure. En effet, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire a été votée à la fin de l’année 2019, et promulguée début 2020.
Les enseignes de plus de 20 couverts, qui continuent à utiliser de la vaisselle jetable pour la consommation sur place, s’exposent à des sanctions pénales et administratives. Chaque restaurant en infraction est passible d’une amende allant de 1 500 € pour une personne physique à 7 500 € pour une personne morale. En cas de récidive, la peine d'amende encourue est porté à 3 000 € ou 15 000 €, selon les statuts.
L’ONG, qui avait porté cette mesure auprès des députés en 2019, interroge également la clarté du texte, qui interdit la vaisselle à usage unique sans donner de précisions quant à l’utilisation des emballages jetables, tels que les papiers entourant les burgers ou les contenants plastiques utilisés pour les sauces. Pour Alice Elfassi, il s’agit d’une question d’interprétation de la loi. Si celle-ci est très claire sur le fait que les assiettes, les gobelets, les couverts doivent être réutilisables, « dans le fast-food, peut-être que l’on peut considérer que le papier autour du burger est un emballage et non de la vaisselle, qui doit être réemployable ». De fait, l’ONG a observé que dans tous les restaurants qui avaient mis en place les contenants réutilisables, l’utilisation de ces emballages à usage unique perdurait.
« Ce n’est pas parce qu’il y a un passage à la vaisselle réemployable, qu’il y a forcément réemploi sur tout, comme on pourrait le voir dans un restaurant classique. »
Alice Elfassi, Responsable juridique de Zero Waste France
Une dernière problématique, soulevée aussi bien par Alice Elfassi que par le cofondateur de Pyxo, est celle de la communication en restaurant pour éviter les erreurs de tri des consommateurs. Face à cette problématique, qui existait déjà avec le « tri cinq flux », certains restaurants demandent à leurs employés de récupérer les contenants réutilisables en poubelle. Cette solution, loin d’être idéale pour les équipiers qui en sont chargés, serait « temporaire » selon Benjamin Peri, qui affirme : « L'idée c’est de minimiser ces cas d’usage au maximum. Ce n’est pas viable sur le long terme, et on ne veut pas que ce soit les nouveaux processus. »
Finalement, pour la Responsable juridique de Zero Waste France, « la prochaine étape serait d’avoir une obligation légale en terme de réemploi dans la vente à emporter, car depuis la crise sanitaire de 2020-2021 la vente à emporter et la restauration livrée ont explosé. » Un défi majeur que le législateur a pour le moment décidé de reporter à l’horizon 2027, date à laquelle la Loi Agec imposera d’utiliser au moins 10 % d’emballages réemployés dans la vente à emporter.
Face à une évolution rapide de la réglementation, il est nécessaire de trouver des alternatives à l'utilisation de la vaisselle à usage unique. Que vous ayez un restaurant, une cantine ou encore un commerce alimentaire indépendant, vous pouvez bénéficier du dispositif de l’ADEME « Tremplin pour la transition écologique », qui finance l’achat d’emballages et de contenants réemployables pour la vente à emporter ou à livrer et le diagnostic de réduction et de remplacement des emballages, jusqu’à 5 000 €. Les dossiers de candidature sont à déposer avant le 31 mars 2023.
Pour les restaurants situés à Paris ou en Île-de-France, il existe d’autres aides telles que :
- Le dispositif « Chèque efficacité énergétique » de la Région Île-de-France, qui finance l’achat des contenants réemployables et autres équipements permettant d’éviter l’usage d’emballages jetables, jusqu’à 10 000 €.
- L’appel à projets « Paris s’emballe pour le réemploi » : une aide, qui vous permet de tester gratuitement pendant 3 mois le système de réemploi des emballages.
- L’aide au financement de la Ville de Paris destiné aux commerçants parisiens, qui souhaitent passer des emballages jetables aux contenants réemployables. Cette aide concerne aussi bien l'achat de contenants, l’acquisition d’autre matériel nécessaire à la transition du jetable au réemployable que la réalisation de travaux d’adaptation du commerce à cette transition. Pour obtenir cette aide, envoyez par mail le ou les devis correspondant aux achats que vous souhaitez effectuer à l'adresse suivante : DAE-consigne@paris.fr.
→ Pour en savoir plus, écoutez l'épisode de Sur le Grill d'Écotable avec Benjamin Peri, Cofondateur de Pyxo, et Alice Elfassi, Responsable juridique de Zero Waste France !
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