Quel est l’impact sanitaire et environnemental du sucre ? avec Raphaëlla Nolleau, la co-fondatrice de Yacon
Miel, alcool, produits industriels, fruits, lactose, dextrose, glucose, fructose… on retrouve désormais le sucre partout, sous diverses formes et appellations. Malgré les alertes, notre consommation ne cesse de croître partout dans le monde. Elle a augmenté de 60 % entre 1995 et 2020, pour atteindre en moyenne 95 g de sucre par adulte par jour en France, malgré les recommandations de l’OMS de n’en consommer maximum que 50 g. Cette surconsommation impact violemment notre santé : détérioration des fonctions cognitives, fatigue chronique, diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires... Par ailleurs, sa culture pose de nombreux problèmes d’un point de vue environnemental. Ces conséquences soulèvent donc de réelles interrogations : doit-on continuer à consommer du sucre ? La gourmandise est-elle compatible avec la préservation de notre santé et de l'environnement ? Quelles alternatives s'offrent à nous ? Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré Raphaëlla Nolleau, la cofondatrice de Yacon qui se veut une alternative plus respectueuse de l'environnement et de la santé que le sucre traditionnel.
Peux-tu te présenter et nous en dire plus sur la naissance de Yacon ?
Je suis Raphaëlla, j'ai 32 ans, je suis cofondatrice de Yacon&co et experte des sujets du sucre. Il y a quelques années, j'ai développé des troubles digestifs. À l’époque, j'étais végétarienne et comme beaucoup de végétariens, j’ai eu tendance à augmenter ma consommation de glucides (riz, pâte…). Le matin, je consommais du porridge avec du sirop d’agave et j’étais toute contente de me dire que je prenais soin de ma santé. C’est en questionnant mes problèmes de digestion que j’ai pris conscience de la quantité de sucre que j’ingérais quotidiennement. Parce que, finalement, les glucides, c'est du sucre aussi, et le sirop d’agave c’est extrêmement sucré. Ça a été un déclic : pendant un an, j’ai totalement arrêté le sucre blanc et les alternatives qui existent sur le marché. Très rapidement, je me suis sentie beaucoup mieux physiquement. Par contre, au niveau du moral, c’était autre chose, car je suis de nature gourmande. De retour en France, j'ai rencontré mes associés actuels Thierry et Clément. Thierry est diabétique de type 2, c'est-à-dire qu’il est devenu diabétique au cours de sa vie. Il faut savoir que 90 % des diabètes sont ceux qui s'acquièrent au cours de la vie, en grande partie du fait de l’alimentation. Thierry en avait ras le bol de se piquer quatre fois par jour à l'insuline, alors il a fait beaucoup de recherches sur le sucre et il a découvert le sirop de Yacon qui est un sucre naturel qui vient du Pérou. Ce sirop est quatre fois moins riche en sucre et deux fois moins calorique que le sucre normal, et surtout, il est très riche en fibres probiotiques, ce qui permet de nourrir le microbiote intestinal. Cette découverte lui a permis de mieux vivre son diabète et c’est comme ça que nous avons lancé Yacon&Co.
« 90% des diabètes sont ceux qui s'acquièrent au cours de la vie, en grande partie à cause de l’alimentation ! »
Notre consommation de sucre a fortement augmenté, qu'est-ce qui explique ce phénomène ?
Effectivement, à la fin du 19e siècle, on en consommait à peu près 3,5 kg, par an et par personne, alors qu’aujourd’hui, on est à 35 kg par an ! Il y a plusieurs explications à cela. Déjà, le sucre est hautement addictif. Des scientifiques ont fait une expérience avec des rats, au cours de laquelle ils leur ont fait goûter de la cocaïne et du sucre, puis leur ont laissé le choix entre les deux. Les rats se sont tous dirigés vers le sucre. Le sucre déclenche ce qu’on appelle le « circuit de la récompense » : lorsque l’on en ingère, la dopamine se déclenche dans notre cerveau et on vit un vrai moment de plaisir qui fait qu’on a toujours envie d'y revenir. Ce qui est assez simple, vu la quantité de produits sucrés qui nous entourent aujourd’hui. Ce qui m’amène à une seconde raison : on trouve du sucre dans de plus en plus d'aliments. Les industriels l’utilisent énormément parce qu’il permet de mieux conserver, de texturer, ou encore de diminuer le prix des aliments transformés afin d'augmenter leurs marges. Par ailleurs, le lobby du sucre est très puissant. Dans les années 60, on disait que consommer du sucre, c’était hyper bon pour la santé, que cela donnait de l'énergie. Je pense que ces informations provenaient d’études qui ont été payées par le lobby du sucre pour dire ça. Il y a un exemple connu là-dessus : aux États-Unis, toujours dans les années 60, une étude a été réalisée pour savoir si les problèmes cardio-vasculaires venaient du sucre ou du gras. Ils ont découvert que c'était bien le sucre qui était à l'origine de ce type de maux, mais les lobbies ont payé les chercheurs pour qu'ils changent leurs résultats en disant que le problème venait du gras. Je fais partie de cette génération qui pensait que le gras était la pire chose au monde pour la santé. Dès que l’on faisait un régime, il fallait bannir tout le gras, même le bon comme celui présent dans les noix. En réalité, le gras est essentiel au bon fonctionnement de notre cerveau. Aujourd'hui, on revient dessus et c'est le sucre qui est décrié parce qu'on a fait la découverte de ces recherches truquées.
On trouve du sucre un peu partout sous différentes appellations. Quels sont aujourd'hui les produits qui contiennent du sucre sans que l’on ne s'en rende compte ?
74 % des aliments présents en supermarchés contiennent un ingrédient sucré, donc sont composés de sucre. Plus ils arrivent tôt dans la liste d’ingrédients, plus le produit en contient, donc si le sucre arrive en tête de liste, c'est que le produit est vraiment très sucré. Le problème, c'est que le sucre n'a pas toujours la même appellation. Il y a plein de noms différents un peu farfelus qu'on ne peut pas reconnaître tout de suite (glucose, sirop de fructose…), si on n'est pas au courant. Et là où ça me choque le plus, c'est quand on trouve du sucre dans des aliments salés. Quand on achète des biscuits, on sait à quoi s’en tenir. Mais quand on achète une sauce tomate qu’on se retrouve avec un produit bourré de sucre, ce n’est pas normal !
« 74% des aliments présents en supermarchés contiennent du sucre. »
Peux-tu nous en dire plus sur les édulcorants ?
Les édulcorants sont des alternatives au sucre ; on connaît généralement l’aspartame, qui est présent dans le coca light, ou encore la stévia qui a fait son apparition il y a quelques années. L'OMS a récemment publié un rapport pour stipuler que tous les édulcorants étaient nocifs pour la santé, qu’ils pouvaient renforcer le risque de cancer, de maladie cardio-vasculaire, que c'étaient souvent des alternatives au sucre consommées par des diabétiques, mais qu'en réalité, ça augmente les chances de devenir diabétique. Le problème des édulcorants, c’est qu’ils rendent addict au goût du sucre parce qu’ils sont 100, 200, 300 fois plus sucrant que le sucre blanc. Non seulement ça crée un circuit de la récompense avec la dopamine encore plus fort, donc encore plus addictif, mais souvent, ils apportent zéro calorie. Je pense, par exemple, au coca zéro qui est vide de calories parce qu’il y a zéro sucre dedans. Les consommateurs pensent qu'ils peuvent boire la bouteille entière, sauf qu’en réalité, ils sont en train d’ingérer une énorme dose de sucre qui génère tellement de dopamine qu’ils deviennent encore plus addicts. Par ailleurs, cela trompe le cerveau qui pense qu’il va recevoir des calories. Comme les calories n’arrivent pas, cela donne faim, ce qui pousse les consommateurs à manger encore plus.
Parlons de l’impact écologique du sucre : comment ce dernier est-il produit ?
Les productions de sucre sont majoritairement de la monoculture et les principales sont au Brésil, avec le sucre de canne, et en France, avec le sucre blanc des betteraves sucrières. Dans ces cultures, beaucoup d'intrants sont utilisés. En France, on utilisait jusqu’à présent des néonicotinoïdes qui sont des engrais excessivement nocifs à la fois pour les “nuisibles”, mais aussi pour les espèces non ciblées, comme les abeilles ou les vers de terre qui ont un rôle crucial pour la biodiversité. La culture de la betterave sucrière a tué deux tiers de nos insectes volants ces dernières années à cause des néonicotinoïdes. Aujourd’hui, l’usage de ces pesticides est interdit, mais il y a d’autres traitements. Par exemple, ces cultures consommant énormément d’eau, cela entraîne l’appauvrissement des sols du fait de l’érosion, ce qui pousse les producteurs à utiliser des engrais. C’est un cercle vicieux. De nombreuses personnes pensent bien faire en disant “Moi, je ne consomme plus de sucre de canne parce que ça vient de l'autre bout du monde”. En réalité, il y a une étude qui a démontré que l’empreinte carbone du sucre de betterave français est deux fois plus élevée que le sucre de canne, à cause des intrants. Cependant, le sucre de canne n’est pas mieux pour autant. On peut évoquer les immenses feux qui ont eu lieu il y a deux ans dans la forêt amazonienne, dans le but notamment de planter des champs de canne à sucre. Ça a été une catastrophe écologique.
Du coup, on peut se demander si finalement on ne devrait pas s’en passer ? Est-ce que selon toi c’est possible ?
Selon moi, on peut se passer totalement de la molécule de glucose, fructose, maltose, lactose… mais on ne peut pas se passer du goût. Je pense que l'humain est trop gourmand et je suis contre le fait d’éradiquer totalement le sucre dans les assiettes des Français. Maintenant, il existe d'autres types de sucre, plus vertueux qu'il faut plus mettre en avant. Le sirop de Yacon fait partie de cette catégorie-là !
Découvrez l'intégralité de notre discussion sur le sucre et les alternatives dans notre épisode #91 : Faut-il arrêter de manger du sucre ? par Raphaella Nolleau - Yacon & Co