6 espèces marines au menu des restaurants sur lesquelles être vigilant et pourquoi
Saumon, cabillaud, anguille, tourteau, oursin, crevettes… s’invitent très régulièrement à la carte des restaurants. Espèces prisées par les restaurateurs et familières pour les clients, Écotable les retrouve très régulièrement dans les audits de ses clients restaurateurs. Bien souvent, les professionnels du secteur, tout comme les clients, ignorent l’état des stocks, l’importance de la provenance, de la méthode de pêche, de la taille de maturité sexuelle, et ignorent la liste des espèces menacées. Zoom sur six espèces qui, à l'ardoise, méritent qu’on redouble d’attention : saumon, cabillaud, crevettes, anguille, tourteau, oursins.
1. Saumon sauvage : stocks très fragilisés, saumon d’élevage : conditions d’élevages à surveiller de près
Le saumon d’Atlantique (Salmo salar) a subi une très forte surpêche, notamment dans les années 60-70, entraînant un effondrement de ses stocks dans les années 90. Première espèce de poisson frais vers laquelle se tournent les ménages français, le saumon que nous consommons provient majoritairement d’élevages qui, à bien des égards, posent questions.
- Les populations de saumon sauvage se sont fortement raréfiées partout dans le monde, à cause d’une pêche intensive, des modifications de leurs habitats et du changement climatique.
- Salmo salar a entièrement disparu de 15 % des rivières et fleuves d’Europe et d’Amérique du Nord dans lesquelles il abondait.
- La quasi-totalité du saumon consommé dans le monde est issu de l'élevage du saumon de l'Atlantique (Salmo salar)
- Lorsque des poissons d’élevage s’échappent, ils peuvent mettre en danger les populations sauvages, notamment lors de croisements potentiels qui affectent la diversité génétique ou en transmettant des maladies.
- Le saumon est un poisson carnivore, son alimentation comporte des farines et de l’huile de poisson qui sont produites à partir de poissons sauvages (en particulier des petits poissons pélagiques comme l’anchois).
→ Ethic Ocean est l’auteur d’un guide des espèces: Guide des espèces : Guide des espèces pour un approvisionnement durable en produits de la mer et d’une Application, mine d’or pour ceux qui veulent s’assurer de consommer des poissons, mollusques et crustacés durables.
*Source FAO 2022
2. Cabillaud : majorité des stocks surexploités ou effondrés
Le cabillaud (Gadus morhua), victime de son succès, fait face à une exploitation intensive. Consommé par 48 % des foyers français, la majorité des stocks de l’Atlantique Nord-Est est aujourd’hui soit dégradée et surpêchée, soit effondrée.
- 2e poisson frais, après le saumon, acheté par les ménages français, il représente avec le saumon la moitié des ventes de poissons frais.
- Appelé morue lorsqu’il est salé et séché, et cabillaud quand il est frais, c’est un poisson que l’on consomme dans son entièreté. Son foie, ses joues, ses rogues (poches d'œufs qui sont transformées en tarama) et ainsi que son estomac sont commercialisés.
- Déclin sévère des stocks de cabillaud au cours des dernières décennies en raison d’une trop forte pression de pêche (professionnelle et de loisir).
- La production de cabillaud d’élevage est assez faible aujourd’hui, seules la Norvège et l’Islande en produisent, mais elle n’alimente que les marchés locaux.
- Face à l’effondrement de certains stocks, la pêche ciblée de cabillaud dans plusieurs zones est interdite : Stock Kattegat, stock Rockall, stock Manche Ouest et mer Celtique, stock Est de la mer Baltique, stock mer d'Irlande, stock Ouest Ecosse.
Pour les produits bruts de la pêche ou de l'aquaculture, la réglementation européenne impose notamment la mise à disposition des informations suivantes :
- le nom scientifique de l'espèce (pour éviter toute ambiguïté)
- la méthode de production : pêche / pêche eaux douces / élevage
- la zone de capture ou d'élevage, ainsi que la sous-zone de pêche lorsque le produit est pêché dans des eaux proches de la France : en Atlantique du Nord-Est (zone 27), en Méditerranée et Mer Noire (zone 37)
- la catégorie d'engin de pêche utilisé pour la capture (ex : chaluts, sennes, lignes et hameçons…).
De manière facultative peuvent aussi être indiqués : - un éventuel label environnemental (par ex. bio (produits d’élevage) ou MSC (produits sauvages))
- la date de capture et de débarquement des produits de la pêche (ou de récolte pour l’aquaculture)
→ Lire l’article “Les éléments qui ne doivent pas vous échapper dans vos factures”
→ Le saviez-vous ? Découvrez les fournisseurs de produits aquatiques recommandés par Écotable dans l'annuaire de fournisseurs. (Mais n’hésitez pas à vérifier auprès d’eux tous ces critères de durabilité.)
3. Crevettes tropicales d'élevage : Conditions de production à surveiller, Crevettes tropicales sauvages : État des stocks très variable selon l'espèce et la zone de pêche
Avec la démocratisation de leur prix, les crevettes tropicales sont devenues des habituées des restaurants et foyers européens. Pourtant, l’approvisionnement du marché dépend totalement des importations. Principalement issues d’élevages, la production de crevettes a de nombreuses répercussions sur l’environnement.
- Environ 90 % des crevettes consommées proviennent de la crevetticulture, qui peut être responsable de la destruction massive de mangroves (biotope essentiel au maintien de la biodiversité littorale), de stérilisation des zones occupées, de pollution et de gaspillage de l’eau douce (ressource rare dans de nombreuses régions tropicales). Cette industrie est parfois à l’origine de profonds déséquilibres sociaux comme le travail d’enfants faiblement rémunérés.
- L’état des stocks des crevettes tropicales sauvages est très variable
→ Voir les recommandations d’achats pour les crevettes tropicales - La pêche de crevettes tropicales sauvages entraîne la capture de quantités importantes de prises accessoires (poissons, mammifères marins, tortues…), ce qui a d’importantes conséquences sur l’écosystème marin.
- Les crevettes des mers du Nord font elles aussi face à des enjeux et nécessitent également une attention particulière.
→ Voir les recommandation d’achats pour les crevettes des mers du Nord
4. Anguille : espèce en danger critique d'extinction
L’anguille (Anguilla anguilla) est souvent proposée à la carte des tables semi-gastronomiques et gastronomiques. Depuis 2008, l’anguille européenne a été placée parmi les espèces en « danger critique d’extinction ».
- L’anguille est un poisson migrateur. Elle a un cycle biologique très complexe et certaines étapes de sa vie (notamment la phase marine) ne sont pas encore connues avec précision. Il est donc difficile de mettre en place des réglementations efficaces.
- Peu importe l’étape de sa vie, elle est ciblée par les pêcheurs : civelle, anguille de rivière et anguille argentée sont destinées à des marchés spécifiques. Les femelles n’atteignent leur maturité sexuelle qu’entre 6 et 8 ans, ce qui entraîne une faible chance de reproduction.
- Cette espèce subit une forte pêche illégale.
- Les causes de la chute des populations d’anguille sont multiples : surpêche, pêche illégale, perte d’habitat, dégradation de la qualité des eaux, maladies, parasites, aménagement des cours d'eau. Les modifications des facteurs océaniques (température, courant) seraient également défavorables au recrutement de juvéniles.
- Malgré des programmes de sauvegarde menés en Europe depuis 2007, il n’y a eu aucune amélioration de l’état de la ressource, leur stock reste très en dessous des limites biologiques de sécurité. Le recrutement de juvéniles a en effet diminué de plus de 90 % entre 1980 et 2020.
5. Tourteau : stocks européens surexploités
La France est le pays européen qui consomme le plus de tourteaux (Cancer pagarus) avec en moyenne 300 g par an et par habitant.
- Les stocks européens ne se portent pas bien. Ils sont dégradés et surpêchés et souffrent d’un effort de pêche trop important.
- La majeure partie des tourteaux sont pêchés au casier. 20 % des tourteaux sont pêchés par des chaluts ou des filets.
6. Oursin : principaux stocks sauvages en déclin
Les Français sont les deuxièmes consommateurs d’oursins au niveau mondial, avec une consommation annuelle de plus de 1 000 tonnes. Les stocks sauvages d’oursins (toutes espèces confondues) se sont raréfiés dans le monde dans les années 90 en raison d’une surpêche importante.
- En France, jusque dans les années 70, les captures d’oursin violet Paracentrotus lividus (espèce que nous consommons le plus), provenaient essentiellement de la côte Atlantique, jusqu’à l'effondrement du stock. Depuis, la production française d’oursin provient principalement de Méditerranée, mais les stocks sont également en déclin.
- Pour répondre à la demande du marché et compenser la raréfaction des stocks sauvages dans les eaux des principaux pays producteurs, l'échiniculture (élevage d’oursin) est apparue dans les années 1980, mais reste très peu développée au niveau mondial.
- On ne maîtrise pas encore bien les différentes étapes du développement de l’oursin. Malgré l’importance des techniques et des infrastructures mises en œuvre, on ne peut donc pas envisager actuellement un véritable essor de l'élevage de cette espèce.
A retenir
Nous devons utiliser les océans et leurs ressources de manière responsable. Cela passe par un approvisionnement durable qui réduit voire exclut plusieurs espèces stars de la carte des restaurants et de nos assiettes.
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→ Écoutez le podcast "Quels sont les impacts de notre consommation de coquillages ?"
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